vendredi 22 avril 2011

Dissertation : Qui parle quand je dis "je"

Philosophie - contrôle nº3 - Marine Weisdorfer


Qui parle quand je dis "je" ? En recourant à la logique pure, c'est bien moi, ma personne, qui parle quand je dis "je". Qui d'autre pourrait parler à ma place lorsque je dis "je"? Dans cette problématique, on sous-entend que le "je" réalise deux actions: parler et dire. Peut-on dans ce cas penser qu'il arrive parfois où je prenne la parole sous une autre forme que mon "je" propre? Le "je" est l'expression et le signe de mon identité, donc il semblerait absurde de soutenir le contraire. Comment le sujet pourrait-il devenir une énigme pour lui-même ? En revanche, n'est il pas plus responsable et raisonnable de douter de cette certitude? Après tout, toute la confiance que nous accordons à notre personne n'est peut-être qu'une figure superficielle de notre identité. Admettons que quelque chose d'autre que moi même parle lorsque je dis "je". Cela suppose que le moi conscient ne possède pas totalement le contrôle sur mon psychisme. A quels moments et dans quelles circonstances est-ce possible? Comment pourrais-je, en sachant que ce n'est pas forcément moi qui parle lorsque je dis "je", m'estimer responsable de mes actes comme de mon discours? En réalité la question à se poser serait : est ce vraiment de moi dont je parle quand je dis "je"?

Dans un premier temps nous nous intéresserons à la capacité de l'inconscience à prendre le dessus de la conscience pour dire "je". Ensuite, nous mettrons en évidence le fait que même le discours de la conscience est influencé.


D'après Freud, "Le moi n'est pas maître dans sa propre maison". Cette thèse signifie que le moi, désignant la conscience, est incapable de s'imposer dans son psychisme puisqu'il ne représente que 25% de celui-ci. Alors quand je dis "je" est-ce en majorité mon inconscient qui parle? Dans ce cas, il est par exemple observable à travers deux niveaux de la parole, que l'inconscient est capable de dire "je".

L'emploi involontaire d'un mot pour un autre, appelé le lapsus, est le reflet de la pensée du "je" inconscient. C'est donc indépendamment de la conscience que mon psychisme parle lorsqu'il dit "je". Comme par exemple le Président Chéber déclarant la séance fermée au lieu de la déclarer ouverte. Freud nous dit que cette erreur est à l'origine de pulsions et non du hasard. C'est à dire qu'au fond de sa personne, le Président ne désirait pas passer sa succession et son inconscient a pris le dessus afin de se manifester. Cela peut témoigner de cette absence de maîtrise de notre propre discours.

Enfin, le surmoi suppose la censure primitive inconsciente formée par l'intériorisation, donc puis-je vraiment estimer choisir mon discours ? N'est ce pas plutôt une partie de moi même qui a été acquise au cours du temps qui se montre être de moi, tandis que ce n'est que le reflet de ce que j'ai appris? Lorsque je m'interdit une chose pour la simple raison que je ne suis pas seule, et que cela n'est pas dans les règles sociales, comment pourrais-je considérer que cela vienne de moi? En passant par ce biais on constate donc que mon discours sur ma personne est en réalité ce que les autres m'ont poussé à intégrer et dans lequel je pense me reconnaître.


En faveur de la conscience, lorsque Descartes parle de la substance pensante, le cogito "je pense donc je suis", il considère que seule la conscience est responsable de ses actes. C'est à dire que seule la conscience est capable de contrôler son propre discours. Pour Descartes entendre, comprendre et même sentir équivaux à penser. Donc un individu qui parle, pense forcément et dans ce cas son discours lui est totalement propre.

De plus, dans le rapport à autrui, le psychisme est instinctivement influencé. Sartre nous dit que "Autrui est un médiateur indispensable entre moi et moi même" et Marx ajoute que "la conscience des Hommes est déterminée par leur être social". Du reste, l'entourage n'est pas forcément un miroir objectif et réaliste de ma personne. Alors encore une fois, ma perception du moi est biaisée.

Enfin, le fait d'avoir un discours en étant persuadé qu'il nous est propre alors qu'il est à l'origine d'une tendance ou d'une mode, n'est évidemment pas quelque chose d'inné mais plutôt une adaptation de notre psychisme afin de mieux s'intégrer à la société dans laquelle nous vivons. C'est à dire que ce n'est pas un désir personnel mais plutôt le désir des autres que nous souhaitons. Par exemple, ne pas être écologiste est quelque chose de très mal vu de nos jours. Ce phénomène est associé au désir mimétique.

Afin de conclure, nous ne pouvons jamais être sûr de qui parle lorsque je dis "je". C'est pour cela que Socrate estime qu'il existe une grande importance de la connaissance de soi à soi : "connais toi toi même". Cette connaissance de soi à soi doit être acquise dans l'objectif de parler en ayant tout le contrôle de notre discours. En revanche, selon Nietzsche, cet effort serait difficile à réaliser puisqu'il affirme que la conscience est un fantôme d'égo. C'est à dire que "je" est déterminé par nos relations sociales : nous vivons donc uniquement dans l'apparence mu par le besoin de paraître.


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